→ Quel est votre sentiment vis-à-vis des étrangers ?
Je crois que je les enviais, avant. Ou alors que je les trouvais stupides. Stupides de venir s'enterrer à Caswell. Je détestais cette ville. Je voulais partir et ne plus revenir. Je pense que j'étais jalouse de ces personnes qui pouvaient partir sans regarder derrière eux quand ils le voulaient. Mais maintenant, je ne sais pas. Je n'ai pas d'avis. Tout est devenu étrange, comme si tout flottait. Je ne sais même plus qui vient d'ailleurs et qui a toujours vécu à Caswell, je ne peux pas faire la différence. Je laisse Caswell vivre autour de moi sans bouger.

→ Que pensez-vous du conseil municipal et de son action ?
Je pense qu'ils font leur travail. J'imagine. Je ne sais pas. Je détestais tout ce qui se rapprochait de près ou de loin de Caswell. Mais maintenant, je ne sais plus. Je pense qu'ils font de leur mieux pour préserver la ville. Après tout, c'est pour ça qu'ils sont là. Il s'est passé des choses terribles, mais je pense que c'est rassurant de voir qu'ils ne restent pas les bras ballants sans rien faire. Peut-être qu'ils le font mal. Peut-être pas. Mais ils agissent.

→ Que pensez-vous des récents événements ? Croyez-vous en toutes ces rumeurs surnaturelles ?
C'est regrettable. Triste. Horrible. Tout adjectif négatif s'applique à ces évènements. Cruels, injustes. Ils déchirent des familles. La mienne y compris. Je crois que pourtant les rumeurs n'ont rien à voir avec ce qu'il nous est arrivés, à moi, et ma famille. C'est une simple malchance. Je lis beaucoup Oscar Wilde. Je n'écarte jamais le surnaturel. Mais je préfère dire qu'il s'agit de malchance. Le surnaturel est inexplicable... tandis que la malchance peut tourner. J'essaie de ne pas trop accorder d'attention aux rumeurs. Je ne veux pas m'enfermer dans des émotions négatives, j'ai trop à faire de mon côté.

→ Avez-vous un secret vous concernant à nous révéler ?
Non. Je n'ai rien à cacher. Peut-être qu'avant, j'en avais un. Mais je l'ai oublié. Un jour, peut-être, je retrouverai un vieux journal intime qui me fera me rappeler un vieux secret de polichinelle caché au fond d'un tiroir. Peut-être que mon père a des secrets. Je ne veux pas les connaître. Ma vie a fait le tour des journaux de la ville. Tout le monde sait qui je suis et ce qu'il nous est arrivé. Je déteste les secrets, je préfère les ignorer.

→ Avez-vous été témoin dans la ville de choses que vous aimeriez dénoncer ?
Je ne sais pas. Je ne sais plus. Peut-être. Vous avez bien compris ma position sur ce genre de choses et ce qu'il m'est arrivé. J'essaie de ne pas trop m'impliquer dans ce qui ne me regarde pas. Caswell vit autour de moi et moi, je me laisse vivre. J'essaie de réparer mes propres erreurs. Les erreurs des autres ne m'intéressent pas. Je ne veux rien savoir. Rien voir, rien entendre, rien dire. Si jamais je venais à voir quelque chose, je le garderai pour moi. J'ignorerai ce que j'ai vu. Je ferai comme si je ne savais rien. J'oublierai.

→ Vous êtes pris dans un cyclone. Des débris sont tombés sur la personne qui vous est la plus chère et sur un enfant que vous ne connaissez pas. Si vous la sauvez cette personne vivra avec un handicap terrible mais l’enfant mourra. Si vous sauvez l’enfant il sera indemne mais l’autre mourra. Vous ne pouvez en sauver qu’un, alors que faites-vous ?
Honnêtement, je ne sais pas. La personne qui m'est la plus chère aujourd'hui n'existe pas. Par défaut, ce serait mon père. J'ai commis tellement d'erreurs avec mon père. Je crois que je ne supporterais pas de lui infliger plus de souffrance. Alors je pense que je sauverais l'enfant. Et je pense que je pourrai éprouver un sentiment particulier vis à vis de cet enfant, comme s'il était le symbole d'un passage, comme l'a été mon accident. Mais je ne supporterais pas de voir mon père souffrir plus qu'il n'a déjà souffert. Il serait bien mieux là-haut, bien mieux que dans un lit d'hôpital pour l'éternité...